« Mon clown Nitouche a pointé son bout du nez en 2005. C’était pour un projet pilote de clowns hospitaliers ici au Luxembourg. Après la danse, le théâtre pour jeune public et l’improvisation théâtrale, me voilà donc sur le chemin du clown. Le hasard ? Oui mais aussi le besoin d’allier artistique et humanité à ce moment-là de ma vie pour lui donner plus de sens. »
« J’ai découvert qu’avec les enfants gravement malades, le cœur de ma vocation, c’est le jeu qui tisse le lien. Tout comme c’est l’écoute des préoccupations de nos ainés qui favorise la confiance, donc le dialogue. J’ai constaté au fil du travail, justement comme une funambule sur le fil, que Nitouche c’est moi, Mathilde, en mieux-pire ou pire-mieux. »
« Mon clown me permet de scruter l’âme humaine, de tenter de comprendre avec sincérité et humilité mais aussi décalage comment trouver à rire ensemble alors que le contexte n’y est certaines fois guère favorable. Parfois oui en me trompant, en prenant des risques considérés ou en ne faisant rien d’autre que de ne rien faire, mais en le faisant ensemble. Oui en cherchant la connexion à l’autre par le jeu non-verbal, par des jeux de mots, par l’aveu de l’inconfort ou le ridicule d’une situation, par une chanson chantonnée ou une main posée sur une main ou une épaule. Étant « spectatrice » du quotidien des personnes que je rencontre, j’ai dû accepter de ne pouvoir le changer. Quelle prétention ce serait d’ailleurs ! Je ne suis pas dans leur tête ni dans leur cœur. Et leur ressenti n’est pas le mien même si l’empathie est l’une des qualités indispensables pour pouvoir exercer ce beau et exigeant métier, et ce à long terme. »
« A partir de 2008 j’ai participé à la mise en place du recrutement et de la formation initiale sur plusieurs semaines de futurs collègues. C’est un processus qui se répète régulièrement et dont j’ai la charge concernant la pratique du clown en tant que formatrice depuis 2011. J’ai également pour mission d’établir le planning de nos interventions dans les structures avec lesquelles Île aux Clowns a signé une convention. Depuis fin 2017, de par ma fonction d’assistante artistique, j’encadre la formation continue en interne sous forme d’un atelier clown mensuel et je contacte des formateurs pour notre semaine annuelle de formation continue collective. En 2020, lors de la période Covid, ma collègue de longue date, Nicole alias Annabella, et moi avons mis sur pieds un spectacle « musi-clownesque ». Ainsi l’équipe de clowns hospitaliers est restée en lien avec les résidents des structures gériatriques avec lesquels la proximité était devenue impossible. C’était une chouette aventure que nous avons fait revivre chaque été avec des variations jusqu’en 2023 ! »
« La solitude des personnes âgées m’interpelle, faisant écho à la mienne. Je suis touchée par la folie douce-amère de leur sagesse dans ce monde aride auquel il est de plus en plus difficile de s’adapter avec l’âge. Savoir accueillir de façon sensible et sans jugement ce qui est, n’est pas ou n’est plus, oui c’est bien la mission des clowns hospitaliers qui ne font que passer et se saisissent de la fulgurance du moment présent. C’est donc en 2014, débutant nos interventions dans plusieurs services de soins palliatifs, là où il n’y a pas ou si peu de lien existant, que la décision a été prise de mettre un nez de clown aussi auprès de nos aînés. Ce nez de clown, le plus petit masque du monde, qui ne cache pas mais révèle et qui, pourtant, est une couche de protection en plus, retirable si besoin sur demande d’un proche ou du patient, du résident lui-même. »
« Je constate que j’ai développé petit à petit, non sans heurts, ma manière bien à moi de garder « la bonne distance » face aux situations difficiles comme le décès d’un enfant ou d’une personne âgée juste avant d’aller faire rire les autres ! …alors oui, il m’a fallu apprendre à mettre entre parenthèses, en temps voulu, ce que je ressens pour pouvoir rester efficace en insufflant de la légèreté à la gravité souvent présente. Et si tous ceux et celles qui ne sont plus là faisaient partie de Nitouche comme des fragments de mémoire ? »
« Aujourd’hui, j’entre dans ma 20ème année de pratique quotidienne du clown hospitalier et mes questionnements sont différents de ceux de mes débuts. Est-ce que je me suis forgée une carapace ? non ! Je suis plutôt comme ces matriochkas, avec de multiples couches de protection jusqu’au noyau, dont la plus petite des poupées ne s’ouvre pas et garde intacts ses secrets… »